lundi 19 mai 2008

Mes autres voisins

Mon voisin est un vieux réjoui libidineux. Il contemple sa vie, sa médiocrité et les cégépiennes avec le même regard satisfait, le même sourire épais, le même petit rictus déplaisant. Il passe son hiver à pelleter, même quand il ne neige pas, même quand l’hiver est fini. Il racle les trois pieds carrés entre le trottoir et la rue avec la même avidité au printemps et les tond avec délice en été. L’automne lui permet de sortir son machin qui souffle les feuilles. Si on avait le moyen de transformer le vacarme de sa machine en énergie, on pourrait sûrement illuminer une ville moyenne ou l’électrocuter pour de bon.

Mon voisin s’ennuie et pomponne son Accord beige avec un soin jaloux. Même avec 14 ans dans le corps, son auto a encore le charme qu’elle aurait dû avoir neuve. Le plus impressionnant n’est pas le temps passé à laver ses vitres au Windex ou l’attention maniaque avec laquelle il enlève la poussière sur son dash durant les chaudes journées d’été. Le plus impressionnant, c’est la bonne idée de sauver 50$ par année en n’achetant pas la vignette pour son char beige et moche. Cette économie fabuleuse l’oblige à sortir aux deux heures, du lundi au vendredi entre 7h00 et 21h00 pour changer son char de place de quelques mètres.

Ma voisine regarde par la fenêtre, surtout depuis que son mari est mort. Elle ne sort pas de la maison si elle n’est pas accompagnée de sa fille, elle aussi ma voisine. Elle regarde tout, est sûrement au courant de tout ce qui se passe sur la rue. Elle scrute avec tellement d’attention les souffleuses de la ville en hiver et la balayeuse de rue en été qu’elle doit avoir été foreman dans une autre vie. Elle ouvre sa porte en été pour ne pas souffrir de la chaleur, ou par habitude. Ça permet à tous ceux qui reste en face de la voir faire la vaisselle en jaquette, en bas blancs et en pantoufles.

Mes voisins ont deux enfants en bas âge. Ils travaillent sûrement, sans que je puisse comprendre dans quel domaine. Avoir le début trentaine, les cheveux longs et s’habiller comme en 97 n’est sûrement pas une carrière prometteuse pour le père/voisin/mari. Par contre, sortir de son appart le plus rapidement possible le soir afin de travailler sur le terrain, pas qu’il y ait quelque chose à faire, mais parce que dehors, c’est pas en dedans. L’avantage pour lui est que sa bobonne reste en dedans 11 mois par année, sûrement à regarder ses programmes en s’occupant de ses deux mioches. Ses deux mioches sont indiscriminément appelés « bébé ». Ses deux bébés, dont un doit avoir 5 ans et l’autre environ 2 ans, n’ont pas le droit de faire quoi que ce soit. Faire des choses, c’est la première étape vers la blessure. Avoir une mère comme ça, je me tirerais directement sur le BBQ, moi aussi.

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